Le jour du déménagement ou la fête du déménagement est un phénomène social québécois. Chaque année, entre 200 000 et 250 000 ménages québécois changent de domicile le 1er juillet et dans les jours qui précèdent ou suivent cette date. L’expression « fête » dans le cas présent ne signifie pas qu’il s’agisse d’une célébration, mais est seulement une métaphore commune utilisée pour désigner le phénomène social.
Historique
L’origine d’une journée unique pour la fin des baux et les déménagements a une longue histoire au Québec. Selon l’historien Yvon Desloges, la coutume de déménager au printemps, principalement le 1er mai, remonterait au xviiie siècle, comme le confirme une ordonnance de 1750 promulguée par l’intendant François Bigot1.
En 1974, l’Assemblée nationale du Québec vote une loi abrogeant certaines dispositions du « Code civil du Québec » qui fixait le1er mai comme date d’échéance uniforme des baux résidentiels, échéance qui était inscrite dans le droit civil depuis 1866 et s’est maintenue en l’état pendant plus d’un siècle2.
Le projet de loi, qui créait du même souffle la Régie du logement du Québec, laissait aux seuls propriétaires et aux locataires le soin de convenir de la date d’échéance du bail. Cependant, les dispositions transitoires de la loi prévoyaient la prolongation automatique des baux venant à échéance le 30 avril ou le 1er mai 1975 pour les prolonger jusqu’au 30 juin 1975. La mesure a été bien accueillie par de nombreux Québécois puisqu’elle évitait aux familles les problèmes liés au transfert des enfants d’une école à l’autre à quelques semaines de la fin de l’année scolaire2,3.
Depuis, les Québécois et en particulier ceux des villes centre de Québec et Montréal où les locataires sont fortement majoritaires — 65 % à Québec et 75 % à Montréal4 — ont pris l’habitude de faire coïncider l’entrée en vigueur des baux avec le 1er juillet. On estime qu’entre 200 000 et 250 000 ménages5,6,7 — soit 20 % de tous les ménages locataires du Québec4 — changent de domicile durant la période de déménagement qui culmine le 1er juillet.
Le Wall Street Journal rapportait en 2013 que la période annuelle des déménagements provoque d’importantes hausses de prix des déménagement. Ainsi, le taux horaire d’un déménageur montréalais passe de 89 $ l’hiver à 139$ l’heure en période de pointe en raison de la forte demande8.
Caractère politique
Bien que la mesure législative ayant favorisé la mise en place de la fête du déménagement ait été votée par une législature très majoritairement fédéraliste, un certain nombre de gens voient dans cette coutume des motivations d’ordre politique et prétendent que la population manifeste ainsi son indifférence à l’égard de la Fête nationale du Canada9, les célébrations de la fête nationale canadienne étant beaucoup moins courues au Québec que celles de la Fête nationale du Québec le 24 juin.
Josée Legault, dans l’hebdomadaire culturel montréalais Voir, fait écho à ce sentiment : « Avec la petite différence que le 1er mai est devenu le 1er juillet un peu pour faire un pied de nez à la fête du Canada, mais surtout pour éviter que les enfants soient obligés de changer d’école avant la fin de leur année scolaire »3.
Culture populaire
- Dans Bonheur d’occasion, Gabrielle Roy décrit l’ambiance frénétique de la journée du déménagement dans le quartier Saint-Henri de Montréal : « Une fois par an, il semblait bien que le quartier, traversé par le chemin de fer, énervé par les sifflets des locomotives, s’adonnait à la folie du voyage et que, ne pouvant satisfaire autrement son désir d’évasion, il se livrait au déménagement avec une sorte d’abandon contagieux. »10
- En 1972, Pauline Julien interprète une chanson de Robert Charlebois et de Réjean Ducharme intitulée, Déménager ou rester là ?.
- Premier juillet, le film, une comédie québécoise de 2004 réalisée par Philippe Gagnon, met en scène les mésaventures de trois couples qui déménagent durant cette période de l’année.
Statistiques

Plus de 70 % des gens qui déménagent le1er juillet ne font pas appel à des professionnels.
- Bell Canada a effectué quelque 240 000 branchements de téléphones au Québec en juin et juillet 20006.
- Selon Hydro-Québec, on comptait 60 000 rebranchements d’électricité dans la grande région de Québec en 200111.
- Plus de 70 % des gens qui déménagent ne font pas appel à des professionnels6.
- 78 % des gens qui déménagent commandent leur repas au restaurant. Les mets les plus populaires sont la pizza et le pouletrôti6,11.
- Les frais de location d’un camion de déménagement sont quatre fois plus élevés à Montréal qu’à Granby durant la période des déménagements12.
- Les camions de déménagement sont loués à l’heure durant cette période. Ils peuvent être loués jusqu’à trois fois durant la journée.
- Certains déménageurs profitent de l’occasion pour doubler leurs tarifs12.
- Pour les déménageurs du Québec, la « haute saison » s’étend du 10 juin au 10 juillet. Les déménageurs travaillent de dix à quinze heures par jour, six jours par semaine13.
- Un nombre plus élevé d’animaux domestiques sont abandonnés lors de la semaine du 1er juillet qu’en temps normal, le nombre d’appel pour animaux abandonnés à la Société protectrice des animaux de Québec double à cette époque de l’année14.
Problèmes
La journée du 1er juillet est le signe de déménagement pour plusieurs personnes, et qui dit déménagement, dit aussi ordures. En moyenne 60 000 tonnes d’ordures ménagères, d’objets encombrants, de résidus de construction, de rénovation et de démolitions résidentielles se ramasseront sur le rebord des rues et trottoirs, et cela seulement pour la grande région de Montréal15,16. Avec les années, la ville a ouvert 6 écocentres dans la région de Montréal qui peuvent accueillir les gens pendant toute l’année. Ces centres de recyclage sont même ouverts le fameux jour « J », malgré le fait que ce soit un jour férié, dans le but de récolter et recycler le plus d’objets possibles et ainsi éviter l’enfouissement de millier d’objets et l’encombrement des rues17.
Bien que les ordures causent des problèmes, ce n’est pas la principale préoccupation des locataires qui aménagerons dans leurs logement le 1er juillet; en effet, ceux-ci, ainsi que leurs propriétaires, auront à gérer un problème plus grave, soit l’état du logement. L’association des propriétaires du Québec estime qu’un locataire sur trois (1/3) laisse sont appartement dans un état lamentable après l’avoir quitté. On parle ici de portes, de planchers ou de murs brisés, des détritus qui ont été laissés dans les appartements, des clefs qui n’ont pas été remises au propriétaire, ou tout simplement des meubles qui ont été laissés sur place18.
Un autre problème au niveau des propriétaires est le départ des locataires sans paiement du mois de juin; 24 % des locataires auraient laissé leur logement sans payer le dernier mois en 2010, ce qui cause des désagréments aux propriétaires qui exigent du gouvernement du Québec une loi pour forcer les locataires à payer un dépôt de garantie lors de la location d’un logement. Selon Me Kevin Lebeau, Porte-parole de l’association des propriétaires du Québec, « On aurait beaucoup moins de problème s’il y avait un dépôt de garantie qui puisse couvrir les dommages et le non-paiement du loyer. Ce serait un outil pour responsabiliser les locataires »18.
Parfois, les locataires et propriétaires sont pris avec un problème de punaises de lit, environ 10 % des propriétaires de logements à Montréal ont avoué avoir des problèmes de punaises en 2010.
Visibilité internationale
Depuis une dizaine d’années, cette coutume québécoise, qui semble unique au monde, a commencé à attirer l’attention des médias internationaux. À l’été 1998, une équipe de tournage de la BBC a ainsi séjourné dix jours à Montréal afin de réaliser un documentaire intitulé Under the Sun: Montreal Moving Day Madness afin de tenter d’expliquer ce phénomène19. Ce documentaire, d’une durée de 50 minutes, a été diffusé pour la première fois sur les ondes de BBC Two, en Grande-Bretagne, le 7 juillet 199920.